Connaissez-vous le terme un peu étrange de FOMO ? Les adeptes des réseaux numériques en font l’expérience tous les jours sans en avoir conscience, en étant constamment connectés, à l’affût de la moindre information. Et pour les plus addicts, débrancher suscite un malaise, voire de l’anxiété. Plus concrètement, comment s’analyse le FOMO en psychologie ? En quoi influence-t-il la santé mentale ? Comment s’en détacher ? Décryptage complet d’un phénomène de plus en plus préoccupant.

L’angoisse du rendez-vous manqué

FOMO est l’acronyme de Fear of Missing Out, autrement dit la peur de rater quelque chose, que ce soit une information, un évènement clé, un concert de musique, une fête, etc. Il a été popularisé au début des années 2000 par un élève d’une prestigieuse université américaine. S’intéressant à l’hyperactivité des étudiants, il a mis à jour une tendance chez eux consistant à ne manquer aucun évènement festif afin d’être intégrés à la vie du campus et valoriser ainsi leur image à l’extérieur.

Depuis, avec l’essor des nouvelles technologies de communication, le FOMO a pris un nouveau visage. Les outils connectés ouvrant des fenêtres à l’infini sur le monde, nous sommes sollicités en permanence par un flux continu d’informations et d’opportunités sociales. Au point de vouloir être partout sans jamais y parvenir…

Le FOMO s’aborde donc aujourd’hui surtout par l’angle du numérique, car il s’est amplifié depuis la généralisation des réseaux sociaux. Il se déclenche dès le réveil par le besoin irrépressible de consulter son téléphone. Cela nous est tous déjà arrivé ; nous ne nous contentons pas de consulter nos derniers SMS. Nous scrollons l’écran de notifications, naviguons d’une application à une autre ou consultons le fil d’actualité Facebook. Sans en être conscients, nous plongeons dans un univers parallèle dans lequel nous retirons toutes sortes d’informations et interagissons. Porter un intérêt sur l’extérieur et autrui ne représente pas, en soi, un problème ; en revanche, cela le devient en cas d’hyperconnexion, lorsque l’acte est répété et systématique du matin au soir. Nous perdons la maîtrise de l’outil et nous comportons en pilote automatique.

Cette peur de manquer peut aussi se concrétiser par des actions au quotidien, via des achats compulsifs, le choix de destinations de vacances ou de loisirs à la mode pour suivre les grandes tendances données par les médias et le web. Les influenceurs y sont très présents, souvent payés par des marques. Celles-ci maîtrisent parfaitement leurs politiques marketing qui attisent le FOMO et influencent les habitudes d’achats.  

L’effet néfaste du FOMO sur notre psychologie 

Un équilibre mental menacé

Parler de FOMO et de psychologie, c’est s’intéresser en premier lieu aux profils les plus à risque. S’affranchir de l’hyperconnexion digitale n’est pas à la portée de tous ; nous tombons tous plus ou moins dans ce travers. Mais les personnes les plus vulnérables affichent plusieurs failles psychologiques, comme un manque d’autonomie, une estime de soi fragile, une solitude intérieure ou encore une insatisfaction qu’elles croient dépasser en voyageant dans une vie qui n’est pas la leur. S’y logent en arrière-plan la peur, voire l’angoisse d’être seules et exclues. Celle-ci est par ailleurs exacerbée par les publications et les partages via Internet qui valorisent l’évènement ou l’information et créent un sentiment de frustration et de vide chez celui qui ne peut pas y accéder.  

L’engrenage peut nuire à l’équilibre psychique. De l’angoisse à la déprime, ou à la dépression, le pas est vite franchi pour une personne hyperconnectée qui cherche à combler ses besoins dans un piège qui se referme sur elle. Le FOMO pousse à agir mais ne résout  rien ; il révèle des fragilités de fond et peut même les accroître. Une dépendance réelle peut s’installer, qui devient problématique quand l’objet vient à manquer. Qui n’a pas ressenti un inconfort ou un mal-être dans certains lieux isolés où le réseau n’est pas accessible ou en cas de smartphone indisponible ? Pour une personne sujette au FOMO, cela peut tourner au cauchemar.  

N’oublions pas aussi les dangers de l’infobésité, à l’origine d’une surcharge informationnelle pour qui surfe en continu sur Internet. Cette tendance asphyxie l’espace mental et fatigue le système nerveux.

Une étude de 2018 issue du Journal of Social and Clinical Psychology a mis en évidence qu’un usage moindre des réseaux sociaux permet de réduire la solitude et la dépression dans un groupe de 143 étudiants de l’Université de Pennsylvanie. La moitié a limité son temps à 30 minutes par jour, alors que l’autre moitié a maintenu une consommation normale.

Les experts qui étudient le lien entre FOMO et psychologie n’hésitent pas à le qualifier de syndrome, pouvant mener à une anxiété réelle, des difficultés de concentration, des problèmes de sommeil et de confiance en soi. Selon eux, cette tendance découle directement d’un recours compulsif aux médias sociaux. Selon le psychologue et psychanalyste Michael Stora, « l’hyperconnexion numérique, nouvelle forme d’addiction, est une lutte anti-dépressive. »

Les « victimes » (et aussi responsables) sont souvent lucides, conscientes qu’elles ont perdu le contrôle de leur existence ; pour autant, elles ne parviennent pas nécessairement à changer leurs habitudes tant l’addiction est forte. Toutefois, en cas d’épuisement mental, elles peuvent connaître un déclic, car leur bien-être est réellement compromis.  

Ajoutons que les réseaux sont conçus pour exploiter l’impact du FOMO sur notre psychologie, nous enjoignant à réagir et donc à rester en lien. Quand bien même nous aurions envie de débrancher, des notifications nous rappellent que la vie virtuelle nous attend. Nous pouvons, évidemment, résister, mais bien souvent, nous cédons face à la puissance de ces outils qui nous enferment dans un chantage émotionnel.   

Le réflexe du mimétisme pour repousser les peurs existentielles  

La relation entre FOMO et psychologie s’apprécie aussi par le prisme du mimétisme. Enfants, nous nous construisons sur plusieurs modèles, à commencer par celui familial. Nous agissons en regardant les autres et en nous mesurant à eux et c’est normal. À l’âge adulte, nous sommes censés avoir conquis notre indépendance, qui nous permet de décider de notre vie. Mais, dans les faits, l’autonomie n’est pas toujours acquise. Le besoin d’être de la partie et d’appartenir à une communauté, même virtuelle, permet de tenir à distance la crainte d’être abandonné ou rejeté. Le FOMO en témoigne. Cela s’est d’ailleurs manifesté lors du 1er confinement du printemps 2020 où le grand public s’est reporté sur les activités et rencontres numériques conçues dans l’urgence afin de non seulement occuper son temps, mais également se relier à un collectif rassurant. La connexion a été positive dans de telles circonstances ; néanmoins, la disponibilité de chacun a été surexploitée. À cette occasion-là, certains ont expérimenté pour la première fois le FOMO, aspirés par une effervescence virtuelle inédite et angoissés à l’idée de ne pas en faire partie.

Le besoin de se comparer exacerbé par la sphère digitale

Dans un esprit très proche, la comparaison aux autres construit une identité et s’efface avec l’âge, enfin normalement… Une personne hyperconnectée peut avoir tendance à tout observer et à se comparer en permanence même si ce n’est pas un objectif conscient. De cette façon, elle confronte son ego et sa valeur sociale ; cela lui procure un sentiment de satisfaction si elle trouve ce qu’elle recherche, mais génère aussi de l’anxiété lorsque les portes du virtuel la ramènent à ses limites au lieu de la rassurer. Par exemple, en naviguant sur Instagram, elle mesure qu’elle ne pourra pas tout vivre, ni expérimenter, ce qui la dévalorise et d’autant plus que la réalité qui lui est présentée est infiniment plus belle et intéressante que la sienne. En dépit du malaise ressenti, il y a fort à parier qu’elle se reconnectera. Cette logique d’attraction-répulsion constitue l’un des effets inquiétants du FOMO sur la psychologie de chacun.

Quelles pistes pour se libérer de la tyrannie des réseaux sociaux ? 

Comprendre ses failles intérieures

Nous le savons tous, se débarrasser d’une mauvaise habitude est difficile et s’agissant du FOMO, c’est loin d’être gagné, car il nous renvoie à nos zones d’ombre. Comme cité plus haut, notre ego nous donne l’illusion d’être en vie et le remettre à sa juste place peut être déstabilisant sur le moment. Le FOMO entretient le besoin de reconnaissance et d’attention ; pour s’en libérer, il convient d’explorer nos blessures enfouies qui nous rendent fragiles et dépendants. En décryptant nos mécanismes psychiques, nous mettons en lumière nos mauvais travers et redevenons capable de les dépasser. S’ensuit un cercle vertueux dans lequel nous parvenons à reconquérir notre bien-être en prenant les bonnes décisions pour nous. Dans cette optique, un travail psychologique avec un spécialiste peut être bénéfique. Les thérapies brèves, comme les TCC, sont efficaces pour traiter les comportements addictifs. Le professionnel aide aussi à porter un regard positif sur sa vie et à prendre du recul par rapport à l’univers factice et illusoire du virtuel.  

S’engager dans une détox digitale tout en douceur

Les solutions radicales sont rarement efficaces du premier coup : pour se libérer d’une dépendance, un temps de sevrage est nécessaire. Pour commencer à couper avec les réseaux, il est recommandé de limiter dans un premier temps les sollicitations. Pour cela, vous pouvez désactiver les notifications de votre téléphone et/ou supprimer les applications afin de limiter votre navigation à votre ordinateur. Le lien n’est pas rompu ; il est juste moins tentant.

Vous allez connaître un temps d’adaptation normal, mais votre cerveau est très adaptable, souvenez-vous en : il suffit de lui proposer de nouvelles habitudes pour le remodeler et le faire passer à autre chose.

Pour ouvrir les yeux, vous pouvez télécharger un logiciel ou une application comme Clockify  qui enregistrent votre temps passé sur les réseaux sociaux tous les jours. Les résultats pourraient bien vous surprendre, l’occasion de réfléchir aux moyens de limiter l’impact du FOMO sur votre psychologie. Dans cette optique, afin de retrouver une utilisation plus raisonnable, vous pouvez paramétrer des seuils de consommation à ne pas dépasser. Cela peut être efficace, mais pas toujours, car il est facile de passer outre l’alerte pour rester connecté. Cela aura au moins le mérite de donner mauvaise conscience.

Certains tentent une détox digitale intégrale, en coupant toutes les connexions pendant plusieurs jours. Cette expérience se vit en général loin du quotidien afin de mieux vivre la sensation de manque en s’adonnant à des activités nouvelles et relaxantes. À son retour, la personne peut ressentir le besoin de s’éloigner du monde numérique afin de prolonger le bien-être ressenti pendant sa cure. Cette première étape peut marquer le début d’une transformation.    

S’initier au JOMO

Terminons par une note positive avec le JOMO ou « Joy of Missing Out ». Ce concept met à l’honneur la joie de manquer quelque chose et d’assumer une solitude choisie, loin de l’agitation sociale. Il s’inscrit volontairement à contre-courant du FOMO et rime avec simplicité et authenticité ; les supports digitaux ont peu de place dans cet art de vivre. Le JOMO est né aux Etats-Unis et pourrait bien conquérir de plus en plus d’adeptes, fatigués par l’hyperconnectivité et les injonctions sociétales. Le but étant de renouer avec une vie équilibrée et responsable dans laquelle les écrans sont relégués au second plan. Nous en reparlerons plus en détail dans un prochain article ; en attendant, vous pouvez parcourir mon blog consacré à la slow life, philosophie qui s’en rapproche beaucoup.

Vous en savez plus à présent sur l’effet du FOMO sur notre psychologie. Cet article dresse un constat quelque peu pessimiste, mais il a le mérite de ne pas se voiler la face. L’omniprésence numérique compromet votre santé mentale et brouille votre rapport avec la réalité. Prenez-en conscience pour redevenir le seul capitaine à bord et utilisez les réseaux avec tact et discernement !

La minute slow article presse

La minute Slow

Mes conseils de lecture

Hyperconnexion, Editions Larousse, Michael Stora 

Psychologie de la peur, Editions Odile Jacob, Christophe André

Tous fake self, Editions Guy Trédaniel, Sabrina Philippe

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